FEMIN'IN (1) : Trente ans, toujours pas d'enfant
C'est le mois de février...
Et en février sort le nouveau numéro de "Fémin'in", premier (et seul à ce jour, ils en ont de la chance !) magazine féminin à avoir eu confiance en moi. Donc, dans le numéro de février, le magazine donnera un lien vers mon blog, du coup je vais tâcher de le dépoussiérer un peu aujourd'hui. Et il publiera aussi mon tout premier article pour lequel je n'ai pas trop eu de mal à me sentir inspirée, compte tenue de ma situation personnelle.
En exclu pour mes nombreux lecteurs (une demi-douzaine environ, moins les dommages collatéraux de ceux qui, n'ayant pas vu bouger le blog depuis des mois, ont logiquement abandonné...), du coup, blam, l'article du février :
TRENTE ANS, TOUJOURS PAS D'ENFANT(S)
Premier jour de l'An.
Les neurones encore flous, j'accomplis le rituel. Je réfléchis à ma bonne résolution. Une par an, oui : histoire d'être sûre d'assurer, je ne m'en demande pas trop. Cette année, fastoche. Bonne résolution : avoir 30 ans !Dis comme ça, j'ai peu de chances d'échouer. Parce que bon, sauf si les Mayas se sont plantés et que la fin du monde nous tombe dessus avec deux ans d'avance, j'aurai fatalement 30 ans sous peu. Mais ce qui est sous-entendu, le vrai truc, le pari fou, c'est surtout : avoir 30 ans et bien le vivre.
Et là je le sais, tout est question de mental. Il me reste encore plusieurs mois avant de passer du côté obscur de la force et j'ai mis au point une stratégie de haute voltige qui consiste à éradiquer de façon définitive de mon esprit - et de celui de mes proches - toutes les pensées négatives qui reviennent y flâner régulièrement. En effet, parfois, j'ai le neurone oisif. Et tout à son ennui, il se met à penser à n'importe quoi et il me balance des idées sorties de nulle part. Il y en a toute une panoplie, de la pas très nocive « tiens, on m'a encore appelée Madame aujourd'hui » à la déjà plus difficile à encaisser « oh un cheveu blanc ». Et, en chef de file, l'incontournable « dis, ma chérie, t'as remarqué, toi aussi, qu'à bientôt 30 piges, t'es toujours pas dans le moule, et même plutôt loin, du moule ? »
Oui, vous savez bien, LE MOULE. Cette image de normalité qui nous est sournoisement distillée, depuis toujours, avant même qu'on soit en mesure de s'en rendre compte. Quand t'es bébé, tu baves et tu couines. Puis t'es enfant, tu vas à l'école et tu fais des bêtises. T'es ado, tu découvres ta pilosité, tu veux un scooter, et tes parents sont des cons. Puis tu tombes un beau jour dans la classe dite « des jeunes ». Plus ado mais pas encore adulte, t'es la reine du pétrole, tu rêves à la personne formidable et épanouie que tu seras tout en faisant la fiesta tous les soirs avec des potes géniaux. Et sans trop t'en rendre compte tu te réveilles un matin avec un job, des responsabilités et des soucis : voilà, t'es devenue adulte... Et tu vas avoir 30 ans. Et, en principe, dans le pack trentaine sont livrés : le job stable, les sorties culturelles, les lendemains de cuite qui durent deux jours, le conjoint et l'enfant. On garde la piscine et le labrador pour un peu plus tard.
Du coup, alors que cette enfoirée d'horloge continue sa course folle, la nuit, la nana qui approche de la trentaine entend de plus en plus souvent et de plus en plus nettement cette drôle de petite voix qui lui murmure : « Ton mec, là, c'est sérieux ? C'est le bon ? Et au fait, tu voulais pas un enfant ? Et t'as pensé à une épargne retraite ? ». Et il n'y a pas que la petite voix ! Même mémé s'en mêle, à chaque repas de famille, elle te le ressort. Bah non mémé, j'ai toujours pas d'enfant, mais t'as vu mon nouvel Iphone, il est classe non ?
Alors quoi ?
J'aurai trente ans avant d'avoir un enfant. Pour sûr.
Un regret ?
Une fatalité ?
Une bénédiction ?
Il y a certainement un peu de ces trois sentiments en chacune des trentenaire pas encore maman. Les proportions changent d'une nana à l'autre, mais nous nous trimballons toutes nos doses de déception fataliste, d'acceptation sage et de soulagement victorieux. Oui, je suis prête à parier qu'au moins une fois vous vous êtes dit un truc de chacune de ces trois catégories...
Trip A : Je ne connais pas les joies de l'enfantement, je ne suis pas une femme accomplie, je ne suis qu'une sous-crotte juchée sur escarpins !
« Ma mère a 62 ans. La fête des Mères, ça me déprime maintenant. Elle en a profité pendant 30 ans, c'est mon tour, bon sang ! »
« Le fruit de notre amour, un peu de Lui, un peu de Moi, ça serait tellement mignon, mes yeux verts et ses petites joues dodues, ses pieds palmés et mes jambes arquées, ça serait si beau ! »
« Je vais finir vieille et seule avec mes chats. »
« Moi qui m'imaginais déjà accompagnant ma fille, à l'adolescence, à ses premières soirées... On m'aurait demandé si j'étais sa sœur. Si ça continue, on me demandera si je suis sa grand-mère ! »
« Je vais finir vieille, seule et mangée par mes chats parce que j'aurais fait une mauvaise chute et que, au bout de dix jours, je serais la seule nourriture qu'il leur reste. »
« Je pourrais partager ma grande expérience de la vie avec lui, lui expliquer le Bien, le Mal, le Big Bang, le conflit Israélo-Palestinien, les règles du rugby et qui a couché avec qui dans Plus Belle La Vie... »
Trip B : Si je n'ai pas d'enfant, c'est que le Grand Ordre Cosmique de l'Univers ne l'a pas prévu pour moi pour le moment, chaque chose en son temps
« Il n'y a pas de schéma parfait. Certaines sont mères à 15 ans, d'autres à 45 ans. Moi j'ai 30 ans, je suis dans les temps. D'ici quatre ou cinq ans, je commencerai à m'affoler, et alors j'aurai une grande discussion avec moi-même pour décider si j'en veux ou pas ».
« J'ai une famille plutôt supportable, des amis formidables, j'aime mon job. Non, je peux pas trop en demander non plus... »
« J'ai une famille d'hystériques, des amis comme des cafards, j'ai pas de boulot... C'est peut-être pas plus mal de ne pas enfanter là, tout de suite, tout de suite... »
« Qui sait ? Tout peut aller très vite... Je peux tomber enceinte demain... Bon pour ça faudrait que je me bouge à trouver un mec, mais je peux tomber enceinte, bon, ok, disons après-demain... »
« George Clooney déclare dans la presse qu'il ne veut pas d'autre enfant. Tant qu'on en est là, moi je dis ça sert à rien : un bébé ça se fait à deux ! »
« En fait, pour prendre le Happy Meal au McDo, on n'est pas vraiment obligé d'avoir un enfant. Bon c'est vrai que si on en a un dans le coin, ça fait un alibi. Mais je veux dire qu'on peut réussir sa vie et ne pas avoir d'enfant... »
Trip C : Moi au moins, je n'ai pas volontairement gâché mes derniers spasmes de liberté en mettant au monde une usine à caca qui aurait monopolisé tout mon temps !
« Je suis sûre que ma Carte Bleue essaie d'entrer en communication avec moi pour m'expliquer qu'elle préfère flamber chez Desigual, Cop Copine et Lancel plutôt que chez Petit Bateau, Catimini et Pomme d'Api. »
« Neuf mois sans fumer et sans boire, elles ont intérêt à aimer le sudoku les pauvresses ! »
« De toute façon, j'ai pas encore rempli de formulaire de demande pour la crèche du quartier et y a trois ans d'attente... »
« Afterworks le lundi et le jeudi, apéros le mardi et le vendredi, boite le week-end : c'est pas une vie pour un enfant, il s'épanouirait pas avec moi... »
« Avec une descendance, on serait obligés de rendre visite à belle-maman assez souvent pour me faire ressentir le besoin d'entamer une psychanalyse ».
« Personne ne fera passer sa tête par mon vagin, non mais ça va pas ? »